7 nov. 2017

[focus on] La fermeture des magasins de disques

Le gérant de Popoff, Enrico Bonnin, devant son magasin de disque en via Gaudio - Sanremo (photo Manrico Gatti)

La fermeture des magasins de disques



Vendredi 27 octobre 2017 le dernier magasin de disques de la ville de Sanremo a fermé ses portes. Le magasin s’appelait Popoff et était ouvert depuis 38 ans. Le titulaire Enrico Bonnin ferme définitivement et rapatrie tout son stock dans une autre ville plus loin et dans le magasin de disques  - Tuttomusica - tenu par sa femme. La veille de sa fermeture j'ai pu aller voir Enrico et discuter avec lui un bon moment. Pour quelqu'un comme moi qui a grandi et passé énormément de temps dans ce magasin et acheté beaucoup d'album, je ne le nie, il y avait de la tristesse dans l'air. Enrico repart ailleurs et il m'a confié qu'il faudrait qu'il "résiste" encore deux ans et puis il pourra partir à la retraite. Le comble est que Sanremo est la ville de la musique par excellence grâce à son Festival de la Chanson Italienne actif depuis 1951.

Pourquoi un magasin historique tel que Popoff ferme? Alors rentrons dans le vif. Un cd neuf chez Popoff était vendu à 21.90 euros. Le gérant gagne 4 euros par cd. A cela il faut rajouter les frais de location du magasin, l'achat de cd (le stock), les frais d'eau et d'électricité, les frais de la ville (poubelle, voirie). Le SMIC en France vaut 1.153 euros net par mois. Pour arriver à cette somme, Enrico doit vendre environs 288 cd par moi. Mais ce n'est pas assez, puisque, à côté des frais annoncées, il faut aussi qu'il cotise pour sa mutuelle et sa retraite. Pour vivre dignement il devrait vendre 600 cd par moi.

Aujourd’hui personne, aucune boutique n'arrive à vendre 600 cd par moi. 

Je me souviens dans mon adolescence que à Sanremo il y avait cinq magasins de disques. Le premier au début de via Matteotti et il a fermé rapidement. Il était très petit et même le proprietaire ne connaissait pas le stock qu'il avait. Le deuxième était en via Palazzo. Il fallait descendre beaucoup de marches pour y accéder. C'était grand, avec beaucop d'affiches et quelques t-shirt. Lui aussi a fermé rapidement puisque là-bas le relationnel du proprietaire n'était pas au top de la forme. Il y avait le magasin Refrain, devant le cinéma Centrale. Il a fermé il y a cinq ans. Refrain était un magasin grand comme un studio (9m2). A l'intérieur plein d'album metal et de musique classique. Pour les autres genres il fallait rebrousser chemin. A l'intérieur, pour gagner de la place, les cd n'étaient pas rangés avec le "case". On avait accès aux pochettes et si on voulait acheter le cd, le gérant allait le chercher à la "cave". On ne pouvait pas rentrer plus que 4 ou 5 à la fois sinon on se marchait sur le pattes. Alors on attenddait les copains dehors. Refrain était proprietaire des murs et c'est pour cela qu'il a pu résister, mais ses dernierers années de vie on était de suffrance.

Le quatrième a fermé il y deux ans. C'était Love Musica in via Roma. Magsin pas enorme mais qui surtout dans les années '80 et début '90 avait surclassé Popoff pour trois raisons : moins de cd mais plus de niche. C'est à dire que pour le metal on trouvait des groupes plus underground. Un très bon prix. Des tas et des tas de bootleg. En effet grâce à une faille dans la legislation europeenne plusieurs labels ont prosperé en proposant des bootlegs qui étaient légaux avec le tampon de la siae - l'équivalent de la sacem. Un label comme Metal Crash en est un exemple comme aussi NeverEnd, New Keruak Line, Lobster Records ou encore le label allemand Imtrat. Et puis les choses ont changées et les bootlegs sont redevenus "pirates".

Chez Popoff on pouvait discuter car Enrico et Ramon (le deuxième vendeur et aussi musicien, décédé debut 2017) s'y connaissaient en musique. Ramon était axé sur le rock et Enrico très à cheval sur le progressive international et italien (Le Orme, Osanna, PFM, The Trip etc.). On pouvait écouter des albums - chose rarissime en Italie - on pouvait commander en choisissant sur plusieurs catalogues en papier - on avait des rituels entre fans, on s'organisait pour aller à des concerts, pour aller à Nice - de l'autre côté de la frontière - pour acheter des vinyles. On était une communauté. On échangeait, on discutait on était bien. Aujourd’hui le virtuel a pris le pas sur le réel, mais à quel prix? 
Le prix de la fermeture.

A bon entendeur.

wanderer

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